Actualités 2 octobre 2014

Un patenteux devenu l’indispensable du village

patenteux-jean-mar-cardinal-31patenteux-machinearoches37patenteux-chargeuse-13patenteux-lame-niveleuse-11patenteux-balai-1patenteux-terriere-27patenteux-remorque-21patenteux-remorque-robuste-23patenteux-vieuxtracteur-pat

Notre patenteux du mois est né et a été élevé sur une ferme à Saint-Benoît de Mirabel. Pourtant, c’est dans le village que nous le rencontrons aujourd’hui. C’est ici que cet exproprié de Mirabel a transféré son amour de la machinerie agricole.

Dans les années 1960, le développement du grand aéroport international de Mirabel, qui s’est rapidement révélé un éléphant blanc dans des proportions historiques, a bousculé la vie de bien des agriculteurs. Jean-Marc Cardinal était du nombre. « Nous étions en pleine expansion. Il était possible à cette époque d’obtenir des quotas de lait aisément, se remémore-t-il. Mais soudainement, nous devenions locataires de nos propres terres, ce qui nous a plongés dans un climat d’incertitude. »

Ce régime durera une dizaine d’années. Puis, en 1977, à la suite d’une blessure au dos, le producteur laitier arrive à la croisée des chemins. La décision est prise de liquider le troupeau et, trois ans plus tard, il quitte la ferme pour s’installer au village.

Mais Jean-Marc Cardinal n’a pas déménagé que ses meubles lors de l’opération. « J’ai ramassé tout ce que j’avais en matière de cylindres hydrauliques et de châssis de camion parce que j’ai toujours été bricoleur et cette passion allait me suivre au village », résume-t-il.

Avec le recul, on constate que l’arrivée de M. Cardinal a eu un double effet. Pour lui, ce fut l’occasion de se vouer à son penchant pour le bricolage. Pour les gens du village, son arrivée a mené à la résolution de problèmes pratiques. Ce qui lui fait dire : « Je pense que chaque village du Québec aimerait avoir son patenteux. »

Jean-Marc Cardinal a toujours été habile de ses mains. Sur la ferme, il avait fabriqué certains équipements. Arrivé au village, il a poursuivi dans cette voie, mais en format réduit. « On ne peut pas travailler avec le même type de machine dans un potager qu’en plein champ », illustre-t-il.

Ce dont on se rend compte, c’est que M. Cardinal s’est, en quelque sorte, créé un nouvel emploi grâce à son ingéniosité qui lui permet de développer des machines correspondant à ce nouveau marché. Les niveleuses et remorques de ferme ont donc fait place à des équipements plus légers. Ainsi, offre-t-il toute une série de services au voisinage. Un des premières activités aura été le déneigement des cours des voisins. « J’ai mis au point une lame spéciale qui se déclenche si elle rencontre un obstacle, explique celui qui manœuvrait la soudeuse à 15 ans. Chez des particuliers, il faut faire bien attention lors de l’opération. »

Soulignons que, pour le déneigement, l’entrepreneur utilisait un tracteur Ford 5000, sans cabine. Une de ses premières interventions a donc été de construire un habitacle afin de travailler à l’abri des intempéries.

Ce sont les voisins qui ont stimulé le sens de l’invention de notre patenteux. Plusieurs d’entre eux ont de grands potagers dont l’entretien a été facilité par l’intervention de M. Cardinal. Par exemple, il a fabriqué un râteau à roches qui sert en même temps de niveleuse. « Je l’avais fabriqué durant l’hiver et j’avais bien hâte de l’essayer », se rappelle-t-il. À l’origine, la machine était actionnée par un moteur indépendant. Mais la puissance n’était pas suffisante. Pour corriger la situation, un bras de transmission vers la prise de force du tracteur a été conçu. Le défi était de faire tourner le râteau à 100 tours/minute, ce qu’il a réussi en décommandant les engrenages dans la boîte de transfert. Il lui fallait aussi inverser le sens de la rotation.

Il y a quelques années, l’entrepreneur a changé de tracteur, faisant l’acquisition d’un modèle compact. « Mon plaisir n’a pas été d’acheter le tracteur, mais plutôt de construire tous ses accessoires, » lance-t-il avec le sourire. Pour illustrer ses propos, il nous montre le chargeur hydraulique qu’il a fabriqué. Cet appareil polyvalent lui sert à transporter toutes sortes de matériaux, notamment de la terre et du compost qu’il peut livrer à sa clientèle.

Il a aussi adapté un mélangeur à ciment qui, actionné par la prise de force du tracteur, lui permet de réaliser, de façon autonome, des travaux là où il n’y a pas de prise électrique. Une autre de ses réussites est le rotoculteur, d’une largeur de quatre pieds, conçu spécifiquement pour travailler les jardins. En fait, il en a fabriqué plusieurs versions. « Je me suis inspiré de mon expérience d’agriculteur. Je sais comment travailler le sol, et à quelle profondeur. Il ne restait plus alors qu’à concevoir une machine adaptée aux petites superficies. »

Signe d’un bon patenteux, il a réalisé sa machine, comme les autres d’ailleurs, avec un minimum de pièces afin d’être en mesure, le cas échéant, de procéder aux réparations lui-même. Ainsi, s’il avoue s’inspirer d’équipements vendus commercialement pour ses propres créations, il en fabrique toujours une version simplifiée, pour les raisons déjà évoquées.

Sur le même tracteur compact, il a installé un balai-brosse qu’il utilise au printemps pour déchaumer les pelouses de ses clients. Lors de notre passage, un autre type de balai mécanique était monté sur le tracteur. « C’est un système de mon invention qui permet de nettoyer les espaces de stationnement », explique-t-il. La brosse rotative peut suivre étroitement le contour des trottoirs.

Puisqu’une de ses activités consiste à livrer terre et compost chez des clients de la région, Jean-Marc Cardinal s’est doté d’une remorque dont le déchargement s’effectue par le truchement de cylindres hydrauliques. Et s’il a besoin du tracteur, il n’a qu’à le glisser sur une remorque, conçue à cette fin, tirée par son camion.

Somme toute, l’ancien producteur agricole, déraciné contre son gré, a trouvé la façon non seulement de gagner sa vie, mais également de se rendre indispensable dans son village.