Actualités 1 octobre 2014

Semer la magie

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Même s’il est retraité d’Hydro-Québec, Lucien Lapointe souhaite continuer la production de sapins de Noël encore longtemps. À 79 ans, c’est le cadeau que se fait le patenteux passionné.

Dans les champs de la Plantation JLS à Sainte-Angèle-de-Monnoir, de nombreuses rangées de sapins s’étalent à perte de vue. Sous le soleil radieux du mois d’août, les conifères font le plein de chaleur afin d’être prêts à réchauffer le cœur des familles pendant le temps des Fêtes. Bien que les arbres ne soient pas coupés avant plusieurs semaines, les préparatifs de Noël vont bon train. Dans l’immense garage qui surplombe les rangées de sapins, Lucien Lapointe met tout en œuvre pour que les arbres soient prêts à temps. Tout en parlant à son petit-fils Simon, il prépare l’herbicide qui sera appliqué dans le champ, ajuste son arroseuse et mijote les prochaines mises au point à apporter à la machine qu’il a lui-même fabriquée. À 79 ans, l’homme aime toujours autant son travail qui lui permet de combiner ses deux grandes passions : la nature et les patentes.

« Nous n’avons pas le choix : pour réussir dans l’industrie des sapins de Noël, il faut adapter les machines à nos besoins », explique Lucien Lapointe en pénétrant dans une pièce où s’entassent des boîtes et des outils. Si l’endroit ressemble à un entrepôt pour le moment, celui-ci sera converti en atelier du père Noël au mois de novembre. Les clients venus couper eux-mêmes leur arbre pourront ainsi rencontrer le père Noël. « C’est mon fils qui a tout fait ça, lance Lucien Lapointe avec fierté, tout en ramassant les objets qui jonchent le sol pour donner un aperçu de l’allure de la pièce une fois décorée. Et la bâtisse, c’est moi qui l’ai construite de mes propres mains. »
lapoint_accueil3Pour sa part, Lucien Lapointe a été embauché par Hydro-Québec où il a travaillé pendant 33 ans. Cet emploi n’était cependant pas assez stimulant pour lui. Pendant les nombreuses heures où il était confiné au bureau, l’homme rêvait de nature. Celui qui occupait le poste d’architecte pour la société d’État se surprenait à esquisser des plans de la ferme qu’il désirait posséder.Les mains de Lucien Lapointe ont beaucoup servi. Fils d’agriculteurs, le producteur de sapins n’a pas repris l’entreprise familiale. « Je rêvais de devenir cultivateur, admet-il pensif. Mais je n’étais pas capable de tuer un animal. C’est donc mon cousin qui a acheté la ferme de mes parents. »

En 1970, Lucien Lapointe s’offre finalement le plus beau cadeau : il se procure une terre à Bury dans les Cantons-de-l’Est. Puis, il rachète celles de son cousin en 1972. Tout en continuant à travailler pour Hydro-Québec, il se lance dans la production de sapins de Noël. « C’est extrêmement gratifiant pour moi de voir grandir un arbre, affirme-t-il, la passion dans la voix. C’est incroyable comme ça pousse vite. »

Le nouveau producteur a cependant bûché fort pour atteindre son but. Lucien Lapointe a vendu ses premiers arbres en 1972, des sauvageons, au coût de 2$.

« J’ai commencé avec rien, se souvient-il, visiblement ému. J’allais chercher des carottes d’arbres avec une pelle sur une de mes terres. Je les mettais dans ma voiture et j’allais les planter dans mon autre champ. »

Pour apprendre les rudiments de son nouveau métier, il est devenu membre de la New Hamphire Vermont Christmas Tree Association. « À l’époque, il n’y avait pas d’association ici et les producteurs gardaient leurs trucs pour eux; c’était difficile d’apprendre », soutient-il. C’est aux États-Unis qu’un producteur de sapins québécois exilé lui a beaucoup appris.

Lucien Lapointe a aussi compris qu’il était important de devenir un bon patenteux pour produire des sapins. « Il n’y a pas beaucoup de machines pour nous. Il faut savoir adapter celles qui existent déjà et en fabriquer d’autres, note-t-il. Je suis toujours en train d’imaginer la prochaine patente que je vais faire. » Pour le propriétaire de la Plantation JLS, savoir patenter constitue également un atout puisqu’il est ardu de faire de l’argent dans ce milieu.

Son entreprise a eu beaucoup de difficulté à conserver ses points de vente au fil des ans. Après avoir tenu un kiosque au marché Atwater pendant 30 ans, au Carré Saint-Louis à Montréal et à plusieurs endroits à Longueuil, il a dû plier bagage et se rabattre sur son emplacement à la ferme. « Au départ, c’est ce que je voulais, indique-t-il. Je souhaitais que les gens puissent venir choisir leur arbre dans le champ. » L’entreprise met maintenant annuellement en marché près de 2 000 arbres, bon an mal an, qui sont expédiés aux Bermudes et aux États-Unis. Elle en vend environ 500 autres directement à la ferme où se trouve la résidence de son fils Serge.