Actualités 28 août 2014

Une bleuetière sous haute tension…

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Les campagnes électorales constituent parfois des occasions privilégiées d’obliger des candidats à se mouiller afin de régler des litiges qui s’éternisent.

C’est le pari effectué par un producteur agricole de la Côte-Nord, qui veut poursuivre l’expansion de sa bleuetière sur des terres publiques, et obtenir des compensations d’Hydro-Québec pour les pertes de récolte causées par l’installation de pylônes sur ses parcelles cultivées. Propriétaire des Bleuets de la Minganie, Jacques Maloney se sent un peu comme David contre Goliath dans cette affaire même s’il a l’appui du Syndicat de l’UPA de la Côte-Nord et d’autres partenaires.

Sa stratégie portera-t-elle fruit? « Pour l’heure, les candidats de Québec solidaire (Jacques Gélineau) et du Parti québécois (Lorraine Richard) ont manifesté leur intérêt pour la cause, a signalé Martial Hovington, président du syndicat de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Mme Richard a toutefois précisé qu’elle ne pouvait faire changer les décisions du ministère des Ressources naturelles (MRN) et d’Hydro-Québec. Les candidats libéral (Laurence Méthot) et caquiste (Christine Pinard) n’ont pas encore donné signe de vie. »

En 2008, M. Maloney a obtenu du MRN une lettre d’intention lui permettant de louer 800 hectares de lots publics afin d’y implanter une bleuetière. M. Maloney a jusqu’à présent consenti 1,2 M$ dans ce projet qui s’étend sur quelque 250 ha. Or, il ne possède aucune garantie de pouvoir agrandir la superficie cultivée. « Le ministère m’a suggéré de louer par tranches d’environ 125 ha, selon le développement atteint, au lieu de la totalité. Ce que j’ai fait. Je le regrette aujourd’hui, car on m’a clairement laissé entendre, au bureau régional de Sept-Îles, que le ministère pourrait ne pas renouveler le bail, qui vient à échéance chaque année », a-t-il confié à la Terre. Or, son plan d’affaires portait sur la totalité de la superficie.

Autre volet du litige : le préjudice causé par les pylônes électriques. En 2010, le MRN a autorisé Hydro-Québec à implanter des pylônes d’une ligne de transport d’électricité de 735 kV sur les parcelles en production de bleuets. « J’avais une lettre d’Hydro-Québec me disant que cette ligne électrique ne toucherait pas mes champs. Cela dit, je dois composer avec quatre pylônes sur les 80 ha qui étaient déjà aménagés. » Hydro-Québec propose un « dédommagement ridicule » (150 $/an) pour les pertes de rendements dues à ces pylônes, soit environ 5 % du coût réel. M. Maloney s’opposera à signer cette entente inappropriée à ses yeux. Et il va garder cette position tant qu’Hydro refusera de reconnaître les pertes causées par d’autres pylônes situés plus à l’ouest dans ses champs. Selon sa compréhension, le MRN aurait omis de signifier à la société d’État que ces terres faisaient partie du bail négocié en 2008. « Le MRN aurait dit qu’il n’y avait personne là. Or, ça n’a pas d’importance parce que la lettre d’intention couvrait de toute façon 800 ha, qu’ils soient développés ou non », a-t-il fait valoir.

Le passage de la ligne de 735 kV a exigé le déboisement d’une emprise de 300 pieds de large. M. Maloney n’a pas réussi à convaincre Hydro de laisser des brise-vent afin de garder la neige au sol et d’empêcher les rhizomes de geler. Il croyait avoir obtenu qu’Hydro installe des clôtures à neige pour prévenir le gel des plants. Mais il s’est heurté à un autre refus. « J’ai passé l’automne à installer quelque 10 000 pieds de clôture à neige, une opération qui coûte au bas mot 65 000 $, a souligné cet agriculteur, qui est aussi pêcheur. » Et Hydro-Québec l’oblige à signer la fameuse entente au sujet des quatre pylônes s’il veut toucher un chèque ne couvrant même pas la moitié du coût d’installation.

C’est renversant de constater l’énergie et le temps perdus pour des dédommagements somme toute mineurs quand on les resitue dans le grand projet du développement de la Romaine, a conclu M. Maloney.

En clair, le producteur réclame que le MRN reconnaisse son engagement écrit de lui louer 800 ha de lots publics. Il exige une indemnisation juste et équitable pour les pertes de récoltes causées par les pylônes. Il veut enfin un remboursement des frais encourus afin de protéger la bleuetière du vent et du gel par des clôtures à neige.